Après un été particulièrement difficile pour les habitants de certains quartiers de Givors, j’ai convoqué une séance extraordinaire du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), le 22 septembre, et j’ai écrit une lettre au Président de la République afin de l’alerter sur cette situation extrêmement préoccupante, en lui demandant que des dispositions concrètes soient prises.

Retrouvez ci-dessous ma lettre :

Monsieur le Président de la République,

La ville de Givors vient de vivre un été particulièrement difficile.

Une fusillade en plein centre-ville, un cocktail Molotov lancé contre une école, la mairie annexe plusieurs fois incendiée, de multiples agressions contre des agents de la fonction publique ou des forces de l’ordre, de très nombreuses voitures incendiées, sont autant d’actes délictueux et criminels qui ont volontairement ciblé les symboles de la République et bouleversé la vie quotidienne des habitants.

Si ces actes violents, qui fragilisent notre cohésion sociale, sont les signes visibles d’un vivre-ensemble qui se délite dangereusement, d’autre signaux, souvent moins perceptibles, sont tout aussi alarmants et frappent violemment une ville populaire comme Givors.

Entre l’accroissement des inégalités sociales et économiques qui laissent sur le bord de la route un nombre croissant de nos concitoyens, le développement des intégrismes et la nette progression des faiseurs de haine qui attisent les braises de tous les racismes, nous devons faire face à une spirale infernale qui sape les fondements mêmes de notre République.

Propos racistes et antisémites ouvertement assumés, année scolaire qui se termine à la mi-juin et recommence début octobre, agressions répétées contre les forces de l’ordre, les pompiers et les services municipaux, un espace public où les jeunes filles sont de plus en plus absentes…

Autant d’exemples de remise en cause de la laïcité, et d’une perte de repères, qui plongent de trop nombreux citoyens dans un repli identitaire extrêmement inquiétant.

Monsieur le Président, si je suis conscient que ces graves actes délictueux ou radicaux qui lézardent quotidiennement notre pacte social et républicain ne vous ont pas échappé, je tenais à vous alerter quant aux difficultés rencontrées par les élus locaux, pris en étau entre des habitants aux comportements de plus en plus radicalisés et des services publics fragilisés par une dramatique absence de moyens.

Quel message d’autorité donne la République quand un arrêté, imposant la fermeture des terrasses de bar à 23h, ne peut pas être appliqué car nous ne sommes pas collectivement en capacité de le faire respecter?

Quel message donne l’école laïque de notre République, lorsque la rentrée scolaire s’étend jusqu’au 3 octobre, pour certains écoliers, qui sont d’ailleurs en vacances depuis la mi-juin ?

Le message est clair : Une partie de plus en plus importante de nos concitoyens ne s’inscrit plus vraiment dans le cadre de notre République laïque.

Face à ces problématiques, j’ai convoqué un CLSPD en urgence le 22 septembre dernier, jour symbolique s’il en est, puisque c’est celui de la naissance de notre République.

Le constat est partagé par l’ensemble des partenaires donnant ainsi une image éclairante de la situation dans laquelle se trouvent les services publics et leurs partenaires, ainsi que nos difficultés à répondre efficacement à cette inquiétante dérive sociétale.

Comme vous l’avez si fortement rappelé lors de votre discours à la salle Wagram :

« La France c’est l’égalité et d’abord celle entre les femmes et les hommes »,

« La France c’est la fraternité, c’est-à-dire celle de citoyens aux parcours différents mais unis sur l’essentiel, en partageant les valeurs de la République et de la laïcité »,

« L’autre voie, la seule qui vaille, la seule qui soit efficace, c’est celle de l’État de droit ».

Monsieur le Président, en quelques phrases vous avez rappelé ce qu’est la France, notre patrie et notre capacité de continuer à construire ensemble une communauté de destin.

Monsieur le Président, en quelques phrases vous avez rappelé combien le rôle des élus était important pour construire cette citoyenneté et ce vivre-ensemble.

Hélas, Monsieur le Président, « ce rempart infranchissable » que sont la République et la démocratie est de plus en plus insulté et piétiné, comme le sont celles et ceux qui, au quotidien, édifient ce rempart qui est aujourd’hui en train de céder.

Je partage le travail pertinent et courageux de Monsieur le Préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui appelle régulièrement à « faire bouger les lignes » pour apporter de la cohérence dans nos actions sociales et ceci afin que les réponses des collectivités locales, de la justice, de l’école, de la police et des services publics soient à la hauteur des menaces qui pèsent sur notre République.

Pour conclure cette lettre, je me permets, Monsieur le Président, de citer à nouveau votre discours :

« Appeler à la cohésion nationale, porter un projet collectif, défendre le modèle social justifie plus que jamais le rassemblement. Quand le danger est là, nous devons nous retrouver ».

C’est bien là tout l’enjeu d’une situation qui fait dangereusement glisser nos villes et nos territoires dans une spirale infernale qui va des incivilités quotidiennes à un antirépublicanisme total.

Ce cri d’alerte, monsieur le Président, je sais qu’il est partagé par une immense partie des élus locaux et par des partenaires locaux qui essaient de retisser le lien social qui, chaque jour et chaque nuit, se déchire un peu plus.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma plus haute considération.

Partager la publication "Ma lettre au Président de la République"